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La fameuse hospitalité tunisienne n’est pas un vain mot. Tous ceux qui sont passés par la Tunisie et sont entrés en contact avec la population, peuvent en témoigner. Habitant depuis 9 ans en Tunisie, je pourrais vous raconter de multiples situations vécues où l’accueil et la générosité des Tunisiens m’ont bouleversée.

Depuis la Révolution, cette hospitalité « familiale » a explosé en une gigantesque solidarité nationale.

  • Premières caravanes de solidarité spontanées vers les villes et régions défavorisées,
  • Dons et aides volontaires dans les campements de réfugiés depuis le début du conflit en Libye,
  • Accueil des familles libyennes qui fuient leur pays,

avec, toujours, cette « petite » attention tunisienne remarquablement délicate pour ne pas heurter la fierté de celui qui reçoit…

La Tunisie, actuellement encore en post-révolution et en proie à des difficultés économiques considérables, est-elle en mesure d’accueillir les quelques 45 000 réfugiés libyens qui affluent depuis le mois d’avril ? Ici, aucun ne se pose la question. La solidarité prime, tout simplement.

Et vous, hébergeriez-vous des réfugiés libyens chez vous ?

 

Tataouine, les Tunisiens offrent au monde une leçon d’humanité

Écrit par Daikha Dridi    Samedi, 30 Avril 2011

Cette semaine dans la presse en anglais, difficile de ne pas penser à la petitesse de la réaction de l’opulente Europe à l’arrivée de 20 000 migrants tunisiens sur son sol, lorsqu’on lit, dans le New York Times, qu’à Tataouine, au bout du monde, la fierté des Tunisiens qui accueillent les réfugiés libyens c’est leur générosité.

 

«L’EXPRESSION POPULAIRE «aller à Tataouine» ou «aller à Tataouine-les-Bains» signifie aller se perdre au bout du monde. Cette expression provient de la présence du bagne (construit par les militaires français, ndlr) et l’ajout du suffixe «les-Bains» est ironique au vu du caractère désertique du lieu», c’est ce que dit l’article (en français) que Wikipedia consacre à cette ville du sud de la Tunisie.

 

refugies libyens tunisieDans une tente de réfugiés libyens à Dehiba. Photo Reuters.

 

Se perdre au bout du monde, ce n’est pourtant pas du tout ce qu’éprouvent les plus de 30 000 réfugiés libyens qui ont fui leur pays en guerre pour trouver dans cette oasis tunisienne paix, gîte, confort et chaleur humaine. C’est ce que découvre, quelque peu abasourdi, l’envoyé spécial du New York Times, spécialiste des questions liées aux réfugiés. Dans un superbe reportage publié cette semaine, il raconte l’étonnement de tous face à «l’incroyable hospitalité»» que les Tunisiens de toute la région de Tataouine ont déployée depuis que les réfugiés libyens ont commencé à affluer début avril.

 

L’étonnement des responsables de l’organisation mondiale des réfugiés – «c’est la première fois que je vois une réponse aussi impressionnante», dit le porte-parole du HCR au New York Times – mais aussi celui des réfugiés libyens eux-mêmes qui confient au reporter américain qu’ils sont confondus par la chaleur de l’accueil et qu’ils ne savent pas comment remercier leurs hôtes :

 

«’Vous-même, donneriez-vous votre maison à un parfait inconnu, qui vient d’un autre pays ?» interroge une jeune Libyenne qui a fui, au début du mois, la ville assiégée de Yafran. Elle parlait dans le spacieux salon de la maison qu’elle et dix autres membres de sa famille partagent avec une famille tunisienne. Le propriétaire s’est déplacé lui, sa femme et ses trois enfants vers le rez-de-chaussée encore en cours de construction, pour laisser à ses invités le premier étage, confortable et sentant bon». Ce propriétaire interviewé par le New York Times explique son geste comme une simple question «d’obligation et de fierté» : «Ce sont nos coutumes ici, s’il y a quelque chose à manger, nous le mangerons ensemble. S’il n’y a rien à manger, nous partagerons ce rien ensemble».

 

La plupart des réfugiés qui ont traversé la frontière tunisienne, «n’avaient pas plus que leurs vêtements sur leurs dos et la peur au ventre pour leurs fils restés derrière se battre contre les milices de Kadhafi, ils ont été rapidement pris en charge par les habitants de la région dont la compassion et la bonne humeur ont suscité l’admiration des Libyens et des travailleurs humanitaires étrangers», écrit le journaliste du New York Times qui rappelle que la générosité est aussi celle du «gouvernement tunisien qui a gardé ses frontières ouvertes depuis que la guerre a éclaté».

 

On apprend également que des centres de coordination ont été rapidement ouverts dans la ville pour placer les familles libyennes chez des familles tunisiennes, distribuer de la nourriture, des couvertures et matelas, placer les enfants libyens dans les écoles locales, que des médecins et infirmiers ont ouvert une petite clinique pour y offrir des soins gratuits aux réfugiés.

 

Le journaliste du New York Times ne manque pourtant pas d’apporter un petit bémol quant à l’avenir de cette hospitalité, soulignant un début d’inquiétude exprimé par certains Tunisiens sur les perspectives de vie commune à l’arrivée de l’été «où des milliers de jeunes Tunisiens émigrés en Europe reviendront bientôt pour la saison traditionnelle des mariages, pour le vote historique de juillet et pour le ramadan qui aura lieu en août cette année… la chaleur de l’été également peut faire monter les tensions». Sans parler de la nourriture qui peut devenir un problème : «les boulangeries ont commencé à fermer plus tôt parce qu’elles ne peuvent plus servir toute la demande». Quelques locaux n’aiment pas non plus que des Libyens aillent boire de l’alcool dans l’un des rares hôtels de la région.

 

Mais en dépit de tous ces signes qui pourraient alimenter les pires cauchemars du maire de n’importe quelle autre ville au monde, celui de Tataouine éclate de rire lorsque le journaliste du NYT l’interroge sur ses craintes pour l’avenir. Aux questions pressantes du journaliste américain sur une complication possible des rapports entre Tunisiens et Libyens, le maire «admet que les Tunisiens ont souvent considéré les Libyens comme une nation d’indolents riches en pétrole, mais il a assuré qu’il continuera à héberger les réfugiés aussi longtemps que nécessaire. ‘Nous voulons montrer au monde que nous en sommes capables, que nous faisons un effort et que nous en sommes fiers’».

Article paru sur www.maghrebemergent.com

 

Depuis le début du conflit en Libye, le 17 février 2011, la Tunisie a fait face à un flux de quelques 430 000 réfugiés de toutes nationalités. Près de 3 000, principalement des Érythréens et des Somaliens,  séjournent encore dans les camps de réfugiés en attente d’un rapatriement qui tarde.

Depuis le mois d’avril, plus de 45 000 réfugiés libyens ont franchi la frontière tunisienne. Quelques 30 000 Libyens sont accueillis par les familles tunisiennes avec une solidarité exemplaire, malgré toutes leurs difficultés économiques actuelles.