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Je commente peu l’actualité tunisienne, ce n’est pas le but de ce blog et d’autres le font bien mieux que moi. Mais aujourd’hui, la Tunisie est en deuil, et je le suis avec elle. Le 6 février au matin, le militant et leader opposant Chokri Belaïd a été assassiné.

Un crime odieux qui a plongé les Tunisiens dans un état de choc, de tristesse, de colère et d’indignation. Après des mois d’incidents sous le laxisme apparent du gouvernement, incidents chaque fois plus graves, chaque fois plus inacceptables, la ligne rouge a été franchie. Un crime qui marquera assurément un tournant historique dans la Tunisie de l’après Ben Ali, tournant que j’espère de tout cœur salutaire.

Retour sur un homme de conviction…

 

Chokri Belaid

Chokri Belaïd, un homme de conviction, fervent militant des libertés…

 

Qui est Chokri Belaïd ?

Chokri Belaïd est avant tout un humaniste, militant de gauche, engagé de longue date dans le combat pour la démocratie, les droits humains et une meilleure équité sociale. Combat mené tant en étudiant, qu’en avocat défenseur des droits de l’homme puis qu’en homme politique. Combat qui l’a mené par deux fois en prison sous les régimes de Ben Ali et Habib Bourguiba.

Au lendemain de la « révolution tunisienne », il devient un leader médiatisé du Front populaire par ses positions, son franc-parler et son opposition farouche aux islamistes au pouvoir. Ces derniers mois et jusqu’à la veille de sa mort, il dénonçait haut et fort la spirale de la violence politique.

Le 6 février 2013 au matin, il a été abattu par plusieurs balles alors qu’il sortait de son domicile.

 

L’état de choc, tristesse, colère et indignation

Face à cet assassinat politique odieux et inacceptable, la grande majorité des Tunisiens s’est rassemblée dans la tristesse, la colère et l’indignation. Sur les réseaux sociaux mais aussi dans les rues, spontanément, pacifiquement, même si la révolte a aussi généré des débordements déplorables dans certaines villes contre des établissements du parti Ennadha au pouvoir, accusé d’être le commanditaire de ce crime.

Au-delà des idées marxistes et pan-arabistes de Chokri Belaïd que la majorité des Tunisiens ne partageait pas, c’est le fervent militant pour les libertés et contre la violence qui réunit aujourd’hui les Tunisiens.

 

Aujourd’hui

Un deuil national de 3 jours a été décrété. La journée de grève générale, la première depuis 1978, a été très largement suivie. Ce matin, Tunis était ville morte et aucun avion n’a décollé de l’aéroport.

Aujourd’hui, le 8 février 2013, Chokri Belaïd a été inhumé dans le recueillement et l’émotion.  Selon les chiffres officiels du ministère de l’Intérieur, pas moins de 1,4 million de personnes se sont déplacées dans la banlieue sud de Tunis pour assister à son enterrement, sans compter les funérailles symboliques organisées dans toutes les régions de la Tunisie. Son épouse, sa fille, un grand nombre de femmes étaient présentes, transgressant la tradition islamique.

Des funérailles historiques, dignes de son militantisme politique que quelques bandes de casseurs n’ont pas réussi à altérer par leurs provocations honteuses.

 

Demain

Demain, les Tunisiens devront rester unis pour continuer le chemin entamé par Chokri Belaïd, celui de la liberté, de la dignité et de la démocratie. Un chemin qui risque fort d’être semé d’embûches et de tensions entre démocrates et islamistes mais aussi au sein même du parti Ennadha.

Le soir de l’assassinat de Chokri Belaïd, le Premier ministre Hamadi Jebali a pris tout son parti de court en déclarant vouloir former un gouvernement restreint de technocrates apolitiques, formation rejetée dès le lendemain par les islamistes au pouvoir. La crise politique est ouverte.

Mais ce soir déjà, le chef du gouvernement est décidé plus que jamais à aller de l’avant malgré l’opposition de son parti. Mais aujourd’hui déjà, une forte majorité de Tunisiens a montré sa détermination à assembler toutes ses forces pour retrouver le pays de paix et de tolérance qu’il a toujours été. L’espoir est de nouveau là…

 

Basma Khalfaoui, veuve de Chokri Belaid

Basma Khalfaoui, la veuve de Chokri Belaid,
sur l’avenue Bourguiba le jour de l’assassinat de son mari, continuant dignement sa lutte, malgré la douleur.

 

Ma tristesse s’est arrêtée quand j’ai vu ces milliers de personnes dans les rues. A ce moment-là, j’ai su que le pays était en bonne voie et que des hommes et des femmes défendaient la démocratie, la liberté et la vie.

Mme Basma Belaïd, lors des obsèques de son époux