Avez-vous déjà traversé le Chott el Djerid lors d’un circuit dans le Sud tunisien ?
Un lac de sel, parfois de l’eau, parfois des mirages. On vous a peut-être parlé d’une ancienne mer intérieure ou d’armées entières englouties dans ses vases…
Tout un mystère autour de cette merveille de la nature, que j’ai tenté d’éclaircir au fil des ans. Si comme moi, vous êtes curieux, lisez la suite !
Un Chott, qu’est-ce c’est ?
Direction Wikipedia :
En Afrique du Nord, un chott (de l’arabe chatt, « rivage ») est une étendue d’eau salée permanente, aux rivages changeants, située dans les régions semi-arides.
Des géomorphologues le limitent à la partie tantôt ennoyée tantôt découverte autour du lac, portant quelque végétation et faisant partie d’un ensemble plus étendu qu’ils préfèrent nommer sebkha.
Les chotts sont alimentés de façon discontinue lors des rares pluies, et subissent une forte évaporation, qui accumule les sels à la surface des limons, parfois exploitées.
La mer d’Aral est également un chott, mais le terme n’est guère employé dans ce cas.
En plus simple : un chott est une vaste dépression salée, parfois recouverte d’eau.
En fait, si j’ai bien compris – mais il me reste des doutes, avis aux spécialistes… – , cette vaste dépression salée serait plutôt nommée Sebkha. Le chott serait la partie qui l’entoure, avec une végétation spécifique. Mais comme elle est nommée communément « chott » en Tunisie, gardons ce terme usuel.
Les 3 Chotts du Sud tunisien
Sur plus de 350 km, entre la frontière algérienne et Gabès, trois Chotts de tailles différentes coupent la Tunisie en deux :
– A l’ouest, le Chott el Gharsa, le plus petit (600 km2), sépare Tozeur des oasis de montagne.
– Le plus vaste, le plus spectaculaire, le Chott el Djerid, d’une superficie de 4 600 km2
– A l’Est, le Chott el Fejaj, extension orientale du Chott el Djerid (800 km2)
Sur une carte de la Tunisie, vous ne pouvez pas les manquer. Ils sont souvent représentés comme des lacs, tout en bleu.
D’autres Chotts existent, beaucoup plus petits.
Un spectacle sans cesse renouvelé
Aucune végétation ne pousse sur ces immenses surfaces faites d’argiles, de sels et de gypse.
En saison chaude, les sels cristallisent et forment une couche translucide blanche, durcie par le soleil. Un spectacle éblouissant que seules les montagnes arrêtent. Une terre de mirages sous les rayons brûlants. Au fil de la journée, un jeu de lumière extraordinaire, particulièrement au coucher du soleil.
Lors des hivers pluvieux, les Chotts se transforment en une mer intérieure des plus étonnantes. Quand l’eau se retire peu à peu, laissant apparaître une surface salée d’un blanc étincelant, on pourrait croire être sur la banquise.
Les vents de sable du printemps leur redonnent une couleur locale, plus ou moins ocre selon l’humidité.
Le long de la route traversant le Chott el Djerid, les rigoles creusées laissent apparaître des eaux aux multiples couleurs : bleues, vertes, mais aussi rouges, roses, violettes… Couleurs changeantes au fil de la journée, mais aussi selon le côté de la route.
Des eaux souterraines
Les Chotts se remplissent des pluies d’hiver, des ruissellements des montagnes avoisinantes, mais aussi et surtout des nappes d’eaux souterraines. Une nappe superficielle proche de la surface. mais aussi des nappes profondes – de 300 m dans le Chott El Fejaj à 2 500 m dans le Chott el Djerid – qui constituent d’importants gisements d’eau plus ou moins salée.
Ces eaux, mélangées à du sable, de l’argile et du sel, surgissent localement par des sources artésiennes. Elles forment alors des petits reliefs aux éléments solides. Petits reliefs qui deviennent de loin une grande butte sous l’effet du mirage.
Les différents apports d’eau ne résistent pas à la chaleur des rayons du soleil sur une telle surface plane. L’évaporation, 7 fois plus importante que le volume des apports, rend rapidement aux Chotts leur visage craquelant aux sels cristallisés.
Une mer intérieure ?
Les mythes ont la vie longue…
Lors des périodes humides du quaternaire, les Chotts se sont transformés en lacs permanents, débordants même parfois des limites actuelles. Des coquilles à l’état fossile témoignent d’une vie aquatique. Il n’en fallait pas plus pour imaginer que ces lacs étaient alors reliés à la mer Méditerranée et qu’il s’agissait même du fameux lac Triton décrit par Hérodote !
Laissons parler le spécialiste Hédi Ben Ouezdou dans son livre Découvrir la Tunisie du Sud – Les Chotts et le pays des Oasis :
«Cependant, la position du relief appelé seuil d’Oudref entre le Golfe de Gabès et les Chotts a constitué un obstacle à une pénétration de l’eau marine à l’intérieur des Chotts. En outre, les altitudes auxquelles se situent les Chotts Jerid et Fejaj ne permettent en aucun cas à la mer de les envahir. En effet, le point le plus bas dans les Chotts se situe à +15 m d’altitude.»
… et les hommes des idées saugrenues… et dangereuses.
Les Français, lors du Protectorat français, ont projeté de creuser un canal à travers le seuil d’Oudref. Le but était tout bonnement d’amener la mer jusqu’aux Chotts !
Les relevés topographiques du début du XXième siècle, indiquant que les Chotts Jerid et Fejaj s’élevaient à des altitudes bien supérieures au niveau de la mer, les en dissuadèrent. Mais le projet se reporta alors sur le Chott el Gharsa et ses voisins algériens, situés eux sous le niveau de la mer…
Heureusement, la raison écologique l’emporta et le projet fut abandonné.
Une traversée périlleuse
« Pour se rendre de Nefzaoua au canton de Qastiliya, il faut traverser un terrain marécageux dans lequel on a dressé des poutres pour indiquer le chemin. Les voyageurs qui veulent suivre cette route prennent des guides chez les Beni-Moulît, tribu nomade qui campe de ce côté-là. Celui qui s’écarte de la route, soit à droite, soit à gauche, s’enfonce dans une terre mouvante qui, par sa molle consistance, ressemble à du savon liquide. Il est arrivé à des compagnies de voyageurs, et même à des armées, d’y périr sans laisser aucune trace de leur existence. »
Description de l’Afrique septentrionale de Al-Bakrî, géographe et historien du XIème siècle
D’autres auteurs arabes ont décrit avec insistance les dangers de cette traversée, relatant des caravanes entières englouties. Qu’en est-il réellement ?
Entre les pluies et la nappe d’eau superficielle proche de la surface, l’argile salée se transforme très vite en une vase extrêmement gluante. Il suffit d’y poser le pied pour comprendre qu’il vaut mieux ne pas s’y aventurer. Ni à pied, ni en voiture. J’ai testé pour vous, merci aux villageois qui nous ont sortis de là !
Les Chotts étaient cependant fréquemment traversés. De nombreux chemins en attestent : pistes d’été, pistes d’hiver balisées par des troncs de palmiers. Mais il était recommandé de prendre un guide local. Des guides qui avaient tout intérêt à grossir les dangers… et les rumeurs. Caravanes et armées réellement englouties ? On n’en sait rien…
Aujourd’hui, plusieurs de ces pistes sont devenues des routes. Une digue goudronnée de 80 km traverse le Chott el Jerid, reliant Kebili à Tozeur. Une route traverse le Chott el Fejaj. D’autres pistes anciennes sont encore balisées, mais il reste imprudent de s’y aventurer seul, particulièrement en saison humide.
Le lieu qui ressemble le plus à Mars sur Terre
Rien que ça !
En effet, le Chott el Jerid, abritant des sources d’eaux souterraines de couleur rouge vif en raison de sa forte teneur en fer, constitue, avec sa surface desséchée par le soleil recouverte d’une croûte dure de chlorure de sodium, un environnement très ressemblant aux couches de dépôts de sels de chlorure découvertes sur les hautes latitudes martiennes lors des récentes missions exploratrices.
C’est ainsi qu’une campagne de terrain a été organisée par Europlanet Research Infrastructure du 24 au 31 mai 2010.
Une équipe de neuf scientifiques et géologues s’est employée à analyser le Chott afin de tester les instruments qui devraient être utilisés dans le cadre de missions futures et de mieux cerner la façon dont les systèmes géologiques de Mars se sont formés et évoluent.
Quels en sont les résultats ? D’autres mystères ont-ils été trouvés ? Ou percés ?
Si vous aussi vous avez traversé les Chotts du Sud tunisien – et que vous en êtes revenus malgré leurs dangers ! – racontez-nous dans les commentaires ci-dessous !
Découvrir les Chotts en image… Lac salé : les chotts du sud tunisien en images
Ce qu'il faut savoir c'est qu'en plus, les fameuses balises disparaissaient parfois sur plusieurs centaines de mètres et qu'il fallait partir à l'aventure pour trouver les suivantes, et malheureusement il arrivait de tomber sur les anciens tracés qui n'étaient plus assez sûrs, mais dont les balises étaient toujours en place. C'est ce qui est arrivé il y a 29 ans, peu avant la construction de la route, quand 3 femmes seules, inconscientes se sont lancées à l'assaut du chott, testant en descendant de voiture la solidité du sol avant de continuer à avancer au pas sur une surface ou affleurait l'eau par endroit car c'était en Novembre. Il y avait moi, 29 ans à l'époque, qui conduisait une simple voiture de tourisme, ma mère de 62 ans pas plus inquiète que ça, et ma fille de 5 ans… de vraies têtes brûlées ! mais je ne regrette pas, ça fait de beaux souvenirs.
Merci, Dominique, pour ce témoignage. Sûr qu'une telle aventure, finalement bien passée, laisse de beaux souvenirs…
Aujourd'hui, quand on traverse le Chott el Jerid sur la route, on se rend difficilement compte de ce que pouvait être ce trajet sur des pistes bien incertaines. J'espère que mon article, votre témoignage et peut-être d'autres à venir, permettront aux prochains voyageurs de laisser vagabonder leur imagination…
afin de passer mes vacances cette année, j'ai un projet de voyage en tunisie, j'aime beaucoup ce pays et toujours je garde des souvenirs innoubliabes, votre article donne plus d'information pour les sejours en tunisie, merci pour le partage
je me delecte du fabuleux reportage et des délicieux commentaires
merci
bravo
rached
Merci Rached, et au plaisir de te faire voyager, toi le grand voyageur…
je pense que vous avez oubliez le chott d’elguettar (Gafsa,TUNISIE) reconnu par la convention RAMSAR depuis fevrier 2012.
J’ai lu votre article avec intérêt mais, je pense qu’il comporte quelques imprécisions . Sebkha et chott sont deux choses différentes . Le chott est un ancien lac desséché par l’évaporation . La sebkha est une « partie » de la mer qui a été isolée et elle contient toute l’année de l’eau .
Deuxième remarque , elle concerne la végétation dans les chotts et surtout le chott El Gharsa . En effet celui-là est couvert de végétation , d’ailleurs de là vient son nom . « Gharsa » veut dire en arabe végétation . Il n’est pas plat et couvert de sel en été comme le chott el Djerid . La topographie d’el Gharsa n’est pas plate comme celle du el Djerid. On y trouve des formes très différentes résultat de l’érosion éolienne , la plus fameuse est celle qui ressemble à un chameau ( Oung jmel ) tout près des décors de Star Wars . On y trouve aussi des dunes de sable isolées .
Autre fait intéressent : Les plus anciennes traces de civilisation trouvées en Afrique du Nord , sont trouvées près des chotts . Peut être la plus fameuse d’entre elles est la civilisation Capsienne , de 8 500 av. J.-C. à 5 400 av. J.-C et qui est connue pour ses fameuses « escargotières » ( amas de coquilles d’escargots et de cendres auxquelles sont mêlés des outils et des débris de cuisine. L’un des éléments culturels originaux du Capsien est la réalisation de gravures sur œufs d’autruche.) .
Merci pour ces ajouts et précisions très intéressants Habib ! Cette région est un vrai trésor, tant pour les amateurs que pour les spécialistes…
Pourquoi ne pas essayer de planter des palétuviers sur les rives des chott ?