Aïd el Kebir, celle qu’on appelle la fête du mouton de l’autre côté de la Méditerranée. Enfin, c’est bien une fête, et une grande fête comme son nom tunisien l’indique, mais pas vraiment celle du mouton !
Depuis quelques semaines, et particulièrement ces derniers jours, on les voit partout : regroupés sur les bords des routes en attendant leur acheteur, en route vers leur future maison attachés sur une charrette, coincés entre le conducteur et le guidon sur une mobylette, sur les épaules ou en laisse trottinant derrière leur nouveau maître.
A Douz, sur la place du souk aux animaux, c’est un véritable labyrinthe ! Pour circuler, il faut se faufiler et faire attention à ne pas prendre une patte dans l’œil. Le choix du mouton se fait selon ses propres techniques : on tâte les cuisses pour voir si la chair est bonne, on regarde et on marchande. Un spectacle à ne surtout pas manquer pour ceux qui aiment l’authentique… et la foule !
Dans les quartiers, c’est la même frénésie qui règne. Les maisons sont nettoyées de fond en comble, les tissus jusqu’au moindre petit chiffon, consciencieusement lavés. Tout doit être purifié. Les enfants sont excités, ils s’affairent autour du mouton qui vient d’arriver. Ils le bichonnent, le parent de rubans et autres décorations. C’est que lui aussi doit être beau pour le lendemain ! On le nourrit avec le meilleur, on lui donne différents breuvages préparés juste pour lui.
Le jour de l’Aïd el Kebir, le mouton sera sacrifié après la prière du matin. Ce rite perpétue le geste du prophète Abraham, symbole de la soumission totale à Dieu.
Ce sacrifice est difficile à comprendre dans les sociétés occidentales où le religieux a disparu et où l’on n’y voit plus qu’un acte barbare. Moi-même, je n’y assiste pas et j’ai toujours un serrement au cœur quand le silence se fait soudainement assourdissant après le chœur de bêlements du matin.
Enfant pourtant, j’ai souvent vu – malencontreusement – ma grand-mère tuer lapins et volailles pour les manger. J’échappais à la mise à mort des plus gros animaux, mais c’était un geste totalement usuel – et nécessaire – à la ferme.
Aujourd’hui, on – je – préfère acheter la viande déjà emballée et oublier que les bêtes sont abattues avec bien moins de ménagement…
Ici dans le sud, rien n’est perdu dans le mouton sacrifié. La viande, les entrailles, la peau…, tout est mangé, gardé ou utilisé. Les grandes villes du nord sont peu adaptées à ce rituel et de plus de plus de familles – pour des raisons pratiques, financières mais surtout par refus de perpétuer ce geste – fêtent cette journée symboliquement avec de bons morceaux de mouton, prêts pour le méchoui.
Dans les régions plus traditionnelles, il est difficile de ne pas respecter à la lettre la coutume, même si le prix du mouton devient chaque année plus inabordable. L’achat de l’animal reste une priorité, et beaucoup de familles s’endettent.
Au-delà du sacrifice du mouton, c’est une fête conviviale qui réunit toute la famille, les proches et les voisins, un jour de réconciliation où chacun est invité à pardonner à celui qui lui a fait du tort.
C’est aussi un moment de grande solidarité, comme pour toute fête islamique. Un tiers de la bête est destiné à sa consommation personnelle, un tiers est offert aux proches et un dernier tiers aux nécessiteux.
Demain, le premier jour de l’Aïd el Kebir, tous mangeront de la viande, un mets de luxe pour beaucoup de familles dans le quotidien.
Aïd mabrouk à tous les musulmans !
Voilà un très beau témoignage. Bravo !
Merci Sue Ellen :). Votre expérience est certainement tout autre, vue du nord tunisien…