“Donne-moi un stylo !” “Donne-moi un bonbon !” “Donne-moi un dinar !”
Si nous, en touristes bien intentionnés, hésitons à donner de l’argent aux enfants qui nous le réclament dans la rue, nous donnons facilement stylos et bonbons. Parfois, nous en apportons même dans nos bagages afin de pouvoir en distribuer au cours de notre voyage.
Un stylo, c’est utile pour l’école, un bonbon, c’est juste un petit plaisir d’enfant.
Et pourtant…
Donner, c’est encourager un comportement pernicieux envers les touristes
Si les enfants demandent, c’est qu’ils savent que les touristes donnent. Pour eux, le schéma est simple : touriste = stylo / bonbon. Un schéma qui se transforme plus tard en touriste = argent.
Donner dans la rue, à des enfants inconnus, c’est encourager la mendicité diront certains. Je ne pense pas que cela soit le cas en Tunisie car ce comportement cesse en grandissant.
C’est plutôt un jeu. Ils ont souvent tous les stylos et toutes les sucreries qu’ils veulent à la maison. Un jeu où ils gagnent souvent. Mais certains sont mauvais perdants et n’acceptent pas qu’un touriste ne leur donne pas ce qu’ils considèrent à force comme un dû.
C’est ainsi que certains deviennent parfois méprisants voire agressifs envers les touristes.
La Tunisie n’est pas un pays du tiers-monde
Comme partout ailleurs, il existe des familles pauvres en Tunisie, des familles qui peinent à joindre les deux bouts. L’école est gratuite mais l’achat des fournitures scolaires est une grosse dépense si la famille est nombreuse.
Pour autant, hors des régions les plus défavorisées de l’intérieur du pays, essentiellement le centre et nord-ouest où peu de touristes vont, les enfants ont le nécessaire pour l’école et ne manquent pas de gâteaux et autres sucreries. Même dans les familles qui vivent très simplement, pauvrement à nos yeux. En Tunisie, les enfants sont rois et les parents les gâtent beaucoup, quels que soient leurs moyens.
Comment agir face à un enfant qui demande un stylo, bonbon ou autre ?
Comment agir face à un enfant qui réclame dans la rue ? C’est simple : dire “non”, fermement. S’il insiste, demander à voir son père.
Éventuellement, surtout dans les villages, le signaler simplement, sans ton péremptoire, à un adulte qui saura parler à l’enfant, plus tard, après votre départ.
Comment donner
Si vous voulez donner quelque chose aux enfants, donnez-le aux enfants que vous connaissez, avec qui vous avez partagé quelque chose. Quand vous l’avez choisi, pas quand eux le réclament.
Un stylo peut être donné quand vous avez passé un moment avec un enfant à écrire ou dessiner et que vous voyez l’enfant lorgner avec envie sur votre stylo.
Un bonbon – et même plusieurs pour les frères et soeurs – peut être donné au moment où vous en distribuez à vos propres enfants.
Une petite pièce peut même être donnée à un enfant quand vous êtes réellement familiers avec la famille en lui disant d’aller s’acheter une friandise.
Faites simplement comme vous le feriez chez vous, en France ou ailleurs.
Donner utile en Tunisie
La Tunisie est un pays social où l’aide et l’entraide sont présentes au niveau gouvernemental, associatif et au coeur même des communautés.
Mon but n’est pas de décourager vos envies généreuses d’aider des familles nécessiteuses.
L’hospitalité que nous, touristes, recevons de la part des Tunisiens, cette hospitalité chaleureuse qui fait que même les plus pauvres nous reçoivent avec honneur en nous donnant souvent bien plus que ce qu’ils n’ont, nous donne envie de répondre avec autant de générosité.
Si vous souhaitez donner utile, donnez à une association reconnue ou à un responsable du village qui sauront distribuer les dons selon les besoins. Ou donnez à une famille que vous connaissez personnellement et que vous souhaitez aider.
- Des vêtements
Pour les familles nécessiteuses, les vêtements chauds (les maisons sont glaciales en hiver) et de bonnes chaussures sont très utiles. Si vous n’avez pas de vêtements dont vous ne vous servez plus à apporter, sachez que, en fouillant bien, on peut trouver des vêtements de qualité et parfois neufs dans les friperies à quelques dinars en Tunisie.
- Du matériel scolaire
Hors du matériel très spécialisé, on trouve tout et moins cher en Tunisie. Mieux vaut donc l’acheter sur place et faire ainsi tourner l’économie locale.
- Le cas des médicaments
On vous demandera souvent des médicaments. Je pense qu’ils doivent être donnés avec la plus grande parcimonie, dans des cas bien précis et surtout pas en réserve.
En règle générale, mieux vaut donner vos médicaments inutilisés à des professionnels de santé.
Les enfants de Chenini Gabès © Alain Bachellier – Flickr
“Bonjour !”
En Tunisie, vous ne serez pas assailli par les enfants quémandeurs. Bien plus souvent, ils vous regarderont avec un grand sourire et des yeux coquins. Seulement après que vous soyez passé devant eux, et surtout si vous leur avez rendu leur sourire, vous entendrez une cacophonie de “bonjour” et des rires étouffés.
Répondez-leur, faites-leur un coucou de la main, parlez un peu avec eux, donnez-leur la main sur un petit bout de chemin. Ils en seront très heureux.
Et n’en profitez pas pour leur donner un bonbon ou stylo ! 😉
bien vu Christine, rien à ajouter.
je ne peux que confirmer par mon histoire du jour: je suis allée au souk du village ce matin et en arrivant je vois de loin une voiture européenne entourée d’enfants, les occupants remontaient dedans et sont partis. ils avaient manifestement distribué de petites choses que les enfants regardaient au creux de leur mains.quand ils m’ont vue, ils sont venus vers moi et m’ont demandé aussi stylos et bonbons en tendant la main.et bien sûr, j’ai dit « non ».vivant ici, je ne peux pas, et d’ailleurs ne veux pas donner dans la rue.et donc j’ai bénéficié de quelques insultes restées discrètes car il y avait des adultes non loin.quelques petites filles sont restées collées à moi pendant tout mon souk et n’ont cessé de me rabâcher « bonjour madame » et de tendre la main en riant.un autre jour une fillette d’une douzaine d’années à qui j’avais dit « non » a sorti une pièce de 100 millimes de sa bourse et me l’a tendue d’un air très arrogant.
tes conseils sont donc très pertinents et je ne peux qu’encourager les touristes à les suivre.
Merci Marie d’avoir partagé ces cas concrets qui montrent bien que, en pensant bien faire, les voyageurs qui jouent au père Noël pervertissent les enfants. Nous avons malheureusement tous vécu des cas semblables. Pas malheureusement pour nous, même si cela n’a rien d’agréable, malheureusement pour ces enfants. Ton témoignage est important. Merci !
J’aime tes articles Christine ! C’est un plaisir de les lire et ils sont plein de bon sens. 😉
Merci Jean-Philippe ! Le bon sens se perd parfois dans la frénésie de nos vies occidentales…
L’analyse est super intéressante. Merci et bravo
Merci Safid !
C’est marrant, au cours de mes voyages en Tunisie je n’ai pas été confronté à ce genre de situation justement. Et dans les pays ou cela se produit, je ne pense pas que ce soit une bonne chose de trop vouloir donner, mais de façon exceptionnelle, pourquoi pas ?
Ce n’est en effet pas flagrant en Tunisie comme ça peut l’être dans d’autres pays, et tant mieux ! J’en parle aussi pour éviter que ça ne le devienne. Mais ça existe quand même…
Oui, on peut donner de façon exceptionnelle, mais je pense qu’il faut vraiment éviter de le faire dans la rue. Car on n’est pas le seul à le faire, et pour les enfants, ça ne devient plus exceptionnel.
Merci d’avoir donné ton avis 🙂
à première vue, on peut être touché par certaines scènes de la vie ordinaire ici : les enfants pieds nus dans la rue par exemple, et penser comme je l’ai fait : « grande pauvreté ». je vous raconte comment j’ai été « déniaisée » !…tous les jours je vois 2 petits enfants , environ 3 et 4 ans dans la rue pieds nus même en hiver, je me renseigne sur la situation de cette famille et on me dit qu’elle fait partie des plus pauvres du village.un jour même la maman m’aborde dans la rue et me demande de lui donner des chaussures pour les petits. mon grand cœur saute dans ma poitrine, et au souk du village, j’achète 2 paires de chaussures pour les bambins. je toque à la porte de la famille et donne les chaussures. la maman remercie, et essaie les chaussures, qui hélas sont trop petites. et pour me faire comprendre quelle est la bonne pointure, elle sort d’un sac une réserve de chaussures ,en enfile une paire à chaque enfant pour me montrer ce qui va bien !!!je retourne au souk, change les chaussures, les rapporte et les essaie aux enfants (elles vont bien, à la bonne heure!) et retourne chez moi bien dépitée! un an après les enfants continuent à courir pieds nus dans la rue !!mes chaussures sont certainement toutes neuves dans le sac!et les petits arborent toujours de grands sourires d’enfants pas malheureux du tout! et leurs petits pieds sont parfaitement rodés à ce qu’on leur impose !…y’a pas de misère!
Merci Marie par ce témoignage. Oui, les choses ne sont pas toujours telles qu’elles le paraissent… J’ai « testé » aussi !